lundi 29 juillet 2019

Tu écris, comme ça, on se souviendra.





Tu écris, dit le Petit, comme ça, on se souviendra.
Avec les mots.
Et les noms de fleurs et de plantes, il s'en souvient. Scabieuse, chardon-Marie, campanule. Sans oublier les érables et leurs parachutes.
Tu écris, comme ça, on n'oublie pas.
Il regarde le carnet bleu. Tu as écrit tout ça?
Oui, oui. Je lui montre la page écrite avec le crayon gris.
Les photos, c'est presque la même chose?
Mais non, dit le Petit qui s'essaie à faire des images.
C'est pas comme les mots. Il y en a beaucoup, et des noms de fleurs, beaucoup.
Le Petit me regarde. Ai-je bien compris?
Oui.

Le Petit ne redoute pas l'orage.

mercredi 17 juillet 2019

fragments de...

peaux, boîtes, dînettes, pots minuscules, assiettes de fer et porcelaine, cafetière,
 soupe de mots en vrac que le Petit prépare avec sérieux,



à se demander où est passé le temps,
quant à la poésie, elle a fichu le camp,
ou alors s'est cachée (cassée? demande l'enfant soudain pensif)
dans les boîtes amoureusement remplies
et les amis là-bas,
à son tour, on se demande s'ils souffrent eux aussi de cet été étrange,
des catastrophes annoncées, des solitudes, du rayon vert qui ne vient pas,
de la lune obstruée d'ombre
et on retourne découper des lettres pour les enfants à venir
et on prépare  de la monnaie pour payer nos dépenses




samedi 13 juillet 2019

La femme aux cheveux bleus

La femme aux cheveux bleus sortie d'un de mes dessins a traversé la route pour rejoindre le trottoir sur lequel je me trouvais. Tout près du vétérinaire chez qui je me rendais pour lui restituer la cage prêtée pour Nuage irascible.







Pour savoir si le cabinet était ouvert ce matin, veille du 14 juillet, j'ai suivi un monsieur qui tenait en laisse un chien. Ça n'a pas raté. On a même pu parler un peu, le chien et moi d'abord, puis le monsieur et moi. Le chat n'était pas dans la cage. Alors on a parlé chien et c'était une bonne manière de commencer la journée.

Il y a du vent, ça rafraîchit et surtout il n'y aura pas de feu d'artifice.
Tant mieux.
J'ai appris de la libraire à qui je voulais acheter un livre qui n'est plus disponible, que les feux d'artifice en période de pollution étaient dangereux.
En tout cas, il n'y en aura pas ce soir ni demain.
On m'a raconté l'histoire d'un petit merle élevé avec tendresse par une femme et qui ensuite l'a terrorisée. Elle a dû le repousser avec force un jour afin de l'éloigner définitivement de son jardin qu'il lui interdisait.

Ici, en arrivant à la maison, une odeur d'incendie.
Hier nous avons pu voir les dégâts des feux de la semaine dernière à Montfrin.




Ce sont des chevaux en flammes qui ont propagé le feu de l'autre côté de la route.
Presque tout a été détruit dans une exploitation agricole tenue par une jeune femme.


Alors je lis des écrivains du froid et fais couler de l'eau glacée sur mes chevilles.
Les enfants sautent dans les rivières.
Le chat Nuage dort nuit et jour.
Apaisé.
On parle du plus tard ombragé et frais qui viendra.
Et la journée passe.

lundi 8 juillet 2019

Le sac du festival


On a tous un sac.
Certains le portent sur leurs épaules, d’autres le tirent derrière eux, d’autres encore le poussent devant. Tous en ont un. Parfois lourd à pleurer, parfois tel l’oiseau, au-dessus de la tête, presque envolé. Parfois tordant l’épaule et brisant les muscles du cou.
Pourquoi un sac ? Pourquoi sont-ils tous différents ?
C’est ce qu’il arrive de penser quand on traverse une foule, lors d’un festival.
Chaque sac est rempli de mots en nombre fini.
Mon fils par exemple a un sac nommé oiseau. Ainsi il se déplace avec légèreté. Tout le monde n’a pas cette chance. Ce sac est invisible, me direz-vous et n’est pas réel.
Réel ou pas, son poids se fait sentir. 
J’ai lu ce matin sur un panneau et dans un programme de ce même festival : écritures du réel.
Alors je réalise une notule. Pour dire quoi ?
Juste ce mot sac qui me renverse et devient cas.
Ou pillage, saccage, carnage.



K, la lettre, ou un cas désespéré. L’écriture est un cas désespéré, K. en savait quelque chose.
Le silence est la voix de l’absence. Réelle.
8 juillet


jeudi 4 juillet 2019

mis à nu



visages se voient le soir dans le miroir
leur dehors et/est leur dedans
ne se voit pas
ailleurs

ce que je vois de mon visage
une allée entre deux rangées
de noisetiers
à Marseille
un regard et des jambes
des pieds aussi
bien rangées les dents font
un sourire

le miroir ce soir laisse passer
un peu de la fumée des morts

c’est elle qui poudre le visage
des vivants de ses neiges 


éternelles

visages qu’on retrouve nus au matin
dans la respiration des réfrigérateurs

au repos vêtus de pauvreté sans rien



lundi 1 juillet 2019

"Moi, vieille écrivaine"...


« Parce que le temps, Fleur ou Sélamène, demeure et ne finit pas » .
Denise Le Dantec


Il y a de ces matins où on croit que tout commence ou recommence. Il suffit de presque rien.
L’air frais, le vent léger, l’odeur du café et des fleurs, on y est (presque).
Le chat qui saute sur les genoux demande amour. Le livre qu’on lit ouvre l’horizon et la colline devient immense dans la brume. Une Amérique ouverte devant soi. La beauté rejoint la laideur du monde et elles deviennent supportables. Ensemble. Réconciliant ce qui finit et recommence.
« Moi, vieille écrivaine », les trois mots employés par Colette m’appartiennent un instant et allègent les années que me rappellent à la fois les miroirs et les plus jeunes.
L’écriture, celle des matins, lue avec délice certains jours, ou écrite plus tard, juste après le café, semble à portée, enfin délivrée des pesanteurs et des métaphores, sèche et juste, telle la poésie d’Emaz.
Pourtant, non.
La brume verte autour des rosiers ?
La blancheur de la salsepareille, à côté du portillon ?
La pelote de fil gris avec son crochet planté de travers, en attente de ?
Relire Colette, relire, oui.
Sentir couler l’eau glacée sur ses jambes au retour du poulailler pour en chasser poussière et parasites.
Puis, continuer.
2 juillet