Leurs voix peu à peu
se diluent dans le brouillard du soir qui vient, on les laisse là, on reviendra
plus tard, vers la forêt et ce qui va avec, on abandonne net, on file ailleurs,
on souffre d’autres douleurs, la nuit va venir sur eux, ils se sépareront ou
s’entretueront, nous ne serons plus là pour observer la scène, et puis la
lumière nous faisant défaut, nous aurons glissé vers la ville et ses rues bien
éclairées, nous ne pouvions plus rester à attendre que quelque chose se passe,
que le commandant accepte sa défaite, non, tout ça d’un coup effacé, plus rien
à extraire, un jus mort, un sang noir, la disparition entre ronces et barbelés
des deux protagonistes, et nous, à tenter une échappée loin de la scène de
crime. Plantée devant la fenêtre je repousse le fauteuil à bout de souffle et
je veux moi aussi aller voir ailleurs, plus loin, d’autres crimes, d’autres
passions, me demandant ce que je cherche là, pieds gelés sur le carrelage
froid, regardant ces gouttes d’encre noire sur ma main, ce qui se trame entre
la bête et son humain, entre l’humain et son animal, depuis que je suis
ressortie d’une caverne et ai couru vers l’échancrure de calcaire d’où l’on
apercevait la vallée, bouche noire sur le flanc de la falaise, je reviens à ces
mots, chassie, varices, bégaiement, comme on revient vers une source qui ne
tarirait jamais et qu’on porterait en soi, avec sa propre mort, migrant d’une
gorge dans une autre, échappant à la loi des humains pour renouer avec une loi
archaïque tracée au manganèse sur des parois rocheuses, à la main, au doigt et
à l’œil, discernant à peine ce qui s’inscrivait sachant qu’il ne faudrait pas
l’enfreindre, sorte de généalogie antédiluvienne.
l’homme de guerre ne sait rien faire d’autre que
rappeler à l’ordre les distraits
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