jeudi 12 mars 2020

Autres pays




AUTRES PAYS

I, La Chine

Je suis en Chine ce matin.
Pas besoin de dire où.
Ca n’existe pas ici.
Il y a trop de vide dans ce genre de maison.
Donc ils enlèvent tout ce qu’ils peuvent.
Aucune raison de chercher sous la langue.
Assieds-toi plutôt.
Chercher pour trouver un pays de rien.
Vieille Chine, ce matin.
Ne cherche pas ici. Ni dans les mains ni ailleurs.
La Chine, c’est très grand comme langue.
La nôtre est bien petite, elle tient facilement dans la bouche.

II, les renards

Les renards ont rejoint la forêt cette nuit.
Il n’y en a plus un seul dans la chambre.
Tu n’en trouveras aucun dans ma bouche.
Même les très petits sont partis.
Assieds-toi. Repose-toi un peu.
Chaque fois qu’ils viennent,
c’est pas qu’ils sont…mais ils ne veulent pas
que d’autres que moi les mangent.
Malheureusement, des gens périmés, il y en a.
On oublie parfois de les remplacer.
Et alors, après avoir mangé des saletés, ils meurent.
Oui, comme moi.
Les renards aussi.

III, la langue maternelle

Si je te demande comment va ta petite femme,
tu me réponds : j’ai un mari.
Et moi je te dis qu’il est ravi. Et toi, tu ris.
Mari/ravi rime à quoi, rime à rien.
De l’œil, celui qui voit les renards, descend une pantoufle.
On peut y boire dedans, elle est en verre.
De l’autre descend cette voix qu’on entend sous le fauteuil.
Il paraît qu’une huppe habite là. C’est comme ça.
D’autres, c’est l’oreille ou l’œil, elle, c’est le fauteuil.
Tu dis que ta mère aime rire.

Mais tu oublies :
ça donne un brave travail les mots dans une bouche,
comme les enfants,
quand on en a beaucoup.


in Le Paradis de l’oiseleur, édition Al Manar, encres Guy Calamusa, 2013








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