Et voilà que lisant Jacottet ce matin, je reviens vers
cette image de la mère qui traverse nos vies. Mort des mères. Mort de la mère,
celle des hommes, celle des femmes, fils et filles de mères devenues absentes
telles couteau jeté lame d’acier froide sur le lit et que leurs enfants ne
reconnaissent plus.
A l’occasion d’un événement tragique, attentats aux
Etats-Unis, c’est la figure de la mère pleurant son enfant qui me vient. Non
plus des enfants autour du lit funèbre où est tombée leur mère. Mais elle, la
Pietà.
Et lisant Jacottet, je la retrouve intacte chez Malherbe
évoquant la mort de jeunes hommes tombés sur des champs de bataille et dont il
fait des héros dont leurs mères peuvent s’enorgueillir.
Dans ces vers que Jacottet cite :
« Leurs
pieds qui n’ont jamais les ordures pressées,
un
superbe plancher des estoilles se font… »
je retrouve aussi le protagoniste du Plancher de Perrine
Le Querrec, mais en quelque sorte renversé par la mère et tenu d’inscrire sur
ce sol, le plancher du titre, le récit d’une vie de douleur. Un frère, une
sœur, et la terrible figure maternelle, la Mater.
Et voilà le reste de la famille : deux frères. La
tragédie est prête à fonctionner.
De loin s’entend la voix d’un père en colère.
Mais surtout, c’est le visage du très jeune homme,
presque mort, qui me tient en alerte. Le visage encore enfantin d’un fils
éloigné de sa mère par des milliers de kilomètres mais aussi par le nom qui lui
est donné de terroriste désormais puisqu’il a participé aux côtes de son frère
plus âgé à un attentat meurtrier, frère aîné tué par les forces de police. Il n’a pas droit aux éloges funèbres
que les jeunes morts de Malherbe ont reçu pour leur courage et sa mère,
lointaine, ne peut être appelée « trois
fois, quatre fois bien-heureuse(s),
De ces
jeunes amours, les mères amoureuses… ».
Pire, il mourra après avoir été interrogé sur les
motivations de ses actes et à aucun moment ne viendra de consolation.
Pourquoi, dès que j’ai appris son âge et surtout qu’il
avait agi avec un frère plus âgé, ai-je pensé qu’il avait été sacrifié ?
Et que personne sans doute n’oserait de si loin parler de sa jeunesse puisqu’il
y avait parmi les victimes, une au moins qui était encore un enfant ?
Et la mère là-bas, en ce moment, de ces fils qui sont
partis depuis si longtemps, que garde-t-elle en son cœur si ce n’est,
peut-être, regret de les avoir laissés partir ?
collage SD, enfant |
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