Mais ce n'est pas chose facile de raconter une telle aventure.
D'abord parce qu'on ne peut s'empêcher de se demander qui pourrait avoir envie de lire une histoire de fauteuil.
Et puis ce nom de Bosseigne peut-il donner le désir d'en savoir plus sur l'objet lui-même, à part aux lecteurs originaires du Puy en Velay et de sa région?
Et puis, dans la liste des arguments pour ne pas raconter l'histoire du fauteuil de Bosseigne, il y a que le dit fauteuil a appartenu à ma mère, à mon grand-père et avant lui à son propre père. Tous membres de la même famille à laquelle appartenait aussi Bosseigne.
A qui le fauteuil revint en héritage. Ce qui en fait une affaire familiale. De là à l'exposer en public, on comprendra ma réticence. Et celle de Bosseigne, toujours enclin à la discrétion et à la modestie.
On pourrait objecter que, pour qu'un fauteuil disparaisse, il faut qu'il ait une existence concrète avérée.
Existe-t-il au moins une photo qui en prouve l'existence?
Sans doute, mais je ne sais où la trouver, n'en ayant jamais prise moi-même et encore moins le malheureux Bosseigne qui ne pouvait soupçonner que ce fauteuil tant aimé en viendrait à disparaître.
Non qu'il ait été volé, entendons-nous bien sur ce point.
Il est vrai que c'est une étrange histoire.
Et que le nom de Bosseigne tombe à pic pour nommer le dernier propriétaire du fauteuil.
Bosseigne, il est vrai, possède peu. Et même ce fauteuil, il aurait été prêt à l'oublier si les circonstances ne poussaient à en savoir plus car, après tout, il lui appartenait et c'était une chose sur laquelle il n'y avait pas à revenir.
Tout de même, depuis quatre ans au moins, le fauteuil avait déserté la maison de Bosseigne. Entre temps, ma mère, l'ex-propriétaire du fauteuil était morte. Elle l'avait légué à Bosseigne de son vivant pour qu'il en profite. Oui, ce sont ses propres paroles. Qu'il en profite, lui, ce lecteur passionné!
oeuvres de Heini Delafont |
Mais le fauteuil était recouvert d'un vilain velours. Vert.
Ce qui poussa Bosseigne à chercher un artisan pour le recouvrir.
Et c'est là que l'aventure du fauteuil commence.
Car si Bosseigne trouva facilement une personne capable d'exécuter le travail avec goût et compétence, une de mes amies au demeurant, ce fut le début de la disparition du fauteuil et d'une suite rocambolesque de non événements qui rendirent Bosseigne fort triste et incapable de retrouver le siège dont il avait hérité de ma mère.
Le fauteuil, ai-je dit qu'il s'agissait d'un Voltaire?- fut apporté chez l'artisan et le tissu choisi en un rien de temps. Tout se présentait pour le mieux. Mon amie semblait enthousiaste, ce qui plut à Bosseigne qui aimait le vieux fauteuil par un de ces attachements bizarres qui se nouent parfois entre un humain et un objet. Le vieux Voltaire appartenait à un monde lui-même disparu et donnait à Bosseigne l'illusion d'en conserver une petite partie, comme une pièce d'échec dont tout le jeu aurait disparu.
A partir de ce moment-là, Bosseigne ne revit plus le fauteuil. Il téléphona, écrivit, fit part du décès de ma mère comme d'un argument donnant encore plus de valeur au fauteuil. Rien n'y fit. Soit il recevait des promesses, eut même droit à un rendez-vous où il se rendit et ne trouva personne.
Le temps passant, sa confusion augmentait car il ne savait pas ce qu'il devait entreprendre pour au moins récupérer le vieux fauteuil. Il argua de la mort de ma mère à plusieurs reprises, de son désir vif de revoir son vieil ami, le fauteuil. Puis se lassa.
Mais Bosseigne ne pouvait oublier ni le fauteuil, ni sa disparition.
C'est alors qu'il commença à élaborer une théorie des causes possibles de la disparition du Voltaire. Comme une sorte de consolation, pour tenter d'expliquer rationnellement ce qui ne l'était pas.
Comme disparaître dans un paysage de neige, à la tombée du jour.
Plateau ardéchois, avril 2013, photo SD |
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