Oui, oublions un peu la jalousie.
Et revenons aux arbres.
Oublions la théorie des jeux au profit de celle du peuplier.
Car le soir, certains soirs, imperceptiblement le peuplier se balance.
La cime légère oscille, à cause du vent léger.
L'ombre grise recouvre le jardin et la colline. C'est la pénombre.
Bosseigne à grands pas s'éloigne, tel Orion aveugle, portant sur son dos un fauteuil.
Il va disparaître dans les feuillages lointains et je pourrais enfin respirer.
Mais n'oublions ni Thomas Bernhard et son fauteuil à oreilles, ni Walser et son bâton de marche.
Poursuivons.
Regardant le peuplier balançant doucement sous le vent ses feuilles, j'ai pensé à ma mère.
Et à la mémoire qui se perd, disparaît.
Je revois ses notes où elle consignait ce qui à ses yeux ne devait pas s'oublier.
Fille de, mère de.
Le peuplier n'a pas besoin d'oublier. Il est le vent, il est le soir, il est la terre et le ciel.
En regardant le vent, j'ai senti sa nécessité.
Comme celle du peuplier.
Ils étaient liés et rien n'avait plus de réalité que ce lien.
Lien entrevu, et qui me donnait à penser.
Ma mère revivait en cet instant dans le balancement gracieux de la cime.
Aucune douleur n'était nécessaire pour être spectatrice du vent et de l'arbre.
La cloche a sonné 10 heures du soir.
Ma mère avait dérivé avec tout le reste, mais sa présence dans la pénombre était tangible.
Rien de triste, vraiment.
Aucune jalousie, me dis-je, ne résiste au balancement d'un arbre dans le vent.
Il existe à écrire une théorie du peuplier dans le vent.
A moins que ce ne soit une théorie du vent?
Instrument de la nature ou acteur?
Lui, le vent.
En tout cas amical comme un printemps.
carnet SD |
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