jeudi 4 septembre 2014

Un blanc, un noir, encore des chiens!

A Bosseigne, suite,

Il me semble te l'avoir dit et redit, la ville de Gênes regorge de chiens.
Je n'ai pas croisé la route des chats, seulement celle des chiens. Sans doute à cause de. Mais non.
Quant aux humains; encore une fois non.
Les gênois sont plutôt avenants et veulent te rendre service tout en te fourvoyant aimablement.
T'indiquent une direction quand c'est à l'évidence dans l'autre sens que tu dois aller.
Confondent les palais les uns avec les autres.
Et essaient souvent de t'envoyer visiter une église, par exemple la Madonnetta, où tu n'as aucune envie de te rendre.
Je crois qu'ils s'étonnent de voir leur ville arpentée par d'autres qu'eux. Et qu'il n'y a aucune intention mauvaise dans leurs façons de t'induire en erreur.
Une ville pour leurs animaux préférés, plutôt que pour des touristes, voilà ce qu'ils pensent. Il faut dire que longtemps la ville a été boudée par les voyageurs. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.


Mais restons avec les chiens. Si entendre une langue étrangère toute la journée représente une manière de solitude linguistique, les aboiements restent les mêmes d'un côté à l'autre de la frontière.

Toutes les races de chiens sont représentées ici.
Et toutes les couleurs aussi. Ils parlent tous la même langue.
Leurs maîtres ( Walser ne disait-il pas que seuls les serviteurs choisissent?) les suivent docilement. Et eux, les chiens, vont leur chemin. Devant le portail d'une villa ancienne, sur les hauteurs de Castelleto, un chien s'obstinait à vouloir entrer et son maître lui répétait: E' chiuso, é chiuso, avec un air désolé. (C'est fermé, c'est fermé).

Un peu plus loin, dans un parc où j'avais décidé de me reposer un peu, une femme avait lâché ses deux chiens (ou était-ce eux qui l'avaient lâchée?) dans un espace un peu écarté et ombragé. Quand je me suis dirigée vers une allée proche de cet endroit pour m'asseoir sur un banc, l'un des deux chiens, le blanc, s'est porté vers moi en grondant et aboyant. Aussitôt rejoint par le noir.
La femme n'a pas eu l'air très émue par ce qui se passait. Et les chiens grognaient dans ma direction, ce qui m'empêchait d'avancer comme de reculer.
Deux vieilles dames qui passaient se sont mises en colère et ont demandé vivement à la propriétaire des deux chiens agressifs de les mettre en laisse, en la menaçant d'appeler le garde. La femme a marmonné qu'ils n'étaient pas méchants. Seul peut-être le blanc, a-t-elle concédé. Sa mauvaise grâce évidente et une manière un peu curieuse de s'exprimer m'ont fait penser qu'elle était un peu dérangée. Elle a fini par rappeler les deux bêtes qui se sont à peine rapprochées d'elle. Mettre en laisse le blanc n'a pas été une mince affaire. Tout en attachant l'animal, elle continuait à marmonner ce qui ressemblait à de vagues menaces.

J'ai pu échapper aux deux chiens, mais une mauvaise impression m'en est restée toute la soirée. Et surtout en repensant à cette femme, ni vieille ni jeune, dont émanait une violence contenue qui s'exaspérait chez les chiens qu'elle tentait de maîtriser sans y parvenir vraiment.

Tu dois te demander, cher Bosseigne, si Gênes n'a d'intérêt qu'à cause de ses chiens et de leurs maîtres serviles ou fous. Je te l'ai dit, il y a aussi les oiseaux. Perroquets, pigeons, tourterelles, albatros et goélands.

Et puis il y a cette femme âgée, Melina Riccio, et ses inscriptions qui émaillent la ville, ses murs, les portails, les panneaux publicitaires. Messages de paix et d'amour dont je ne sais que penser. En tout cas une manière d'utiliser le langage en le rendant visible de tous. Mais ce n'est pas du street art et au contraire, cette manière me semble renvoyer à une pratique ancienne du graffiti. Je ne trouve aucune beauté à ces écritures ricciennes, mais plutôt une agressive laideur qui les rend sympathiques. Ce n'est pas l'avis de tout le monde ici, mais M.R. fait désormais partie de l'histoire (et de la géographie) de Gênes.

Au même titre que D'Albertis et son Castello rempli de curiosités. Ou que tous les chiens de la ville, qu'ils soient noirs ou blancs.


Demain peut-être j'irai m'acheter de nouvelles chaussures.
Et ce soir boire un martini blanc sur la Spianata en jouant à Hemingway.
Qui sait? Il fait à nouveau chaud et certains ici évoquent une possible canicule.
Encore une histoire canine!




1 commentaire:

  1. les chiens permettent un regard inversé sur les choses, un point de vue un peu abaissé, à hauteur de ce qui signe les rues. Les chiens sont une porte vers l'autre face des choses, comme des lettres persanes mises en abîmes par leur biais..

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