"Ils rêvent qu'ils rêvent."
C'est un poète qui l'a écrit alors il sait de quoi il parle.
Comme moi des textiles, non?
C'est un poète syrien. Enfin le pays d'où il vient, où il est né, la langue qu'il parle...
L'arabe.
Oui, il parle d'une terre lourde de sang, la sienne, et je me dis que toute patrie est lourde de sens.
Dehors le vent se lève. Tu entends? ça roule dans les arbres et c'est chaud...
Comme en Syrie.
La patrie, tu crois que ce mot a derrière lui autre chose que des larmes?
Des armes aussi, oui.
J'ai remarqué que textile rime avec exil et à l'intérieur on y trouve à la fois le texte et son exil, dit Bosseigne, fier de sa trouvaille.
Quand tu commences à lire de la poésie, la patrie montre son nez d'une tout autre manière que dans les journaux nationalistes.
photo F.Ridard |
Au-dehors un vent du désert soufflait.
Bousculant le paysage coutumier, nous emportant sur un tapis volant vers l'est de la Méditerranée.
Ce n'était pourtant pas l'heure de dormir. Ni sieste ni nuit devant nous. Sur la table, j'avais posé quelques livres et je m'apprêtais à sortir.
Par hasard, nous sommes vivants aujourd'hui.
Par hasard aussi, nous sommes français.
Le recueil de Nazîh Abou Afach s'appelle Par hasard vivants.
Bosseigne a jeté un regard sur un autre livre posé là, entre nous.
Il y a une erreur dans le titre, a-t-il remarqué surpris.
Ce n'est pas une erreur.
Comment ça? Tu vas me parler de licence poétique?
Le travail est au singulier et au pluriel en même temps, rien à voir avec les travaux d'Hercule, ai-je commencé.
Pourtant, a essayé Bosseigne, puis il a préféré se taire. Il avait lui aussi du travail. Ce mot comme patrie..., a-t-il tenté, puis mon parent s'est ravisé. A plus tard, a-t-il dit en s'éloignant. Il boitait un peu, fatigué sans doute par ses heures de recherche, assis sur une chaise inconfortable, dans l'attente du précieux fauteuil.
Il faut que je contacte Joker, me suis-je dit en quittant la maison. Dans mon sac, j'avais glissé Travails, du poète Hervé Bougel. Evidemment un chercheur comme mon parent ne pouvait laisser passer une telle erreur. Mais ce n'en était pas une, avais-je tenté assez maladroitement je le confesse, de lui faire admettre. Mon parent aime rire. Mais il aime encore plus raisonner. Surtout avoir le dernier mot, c'est sa faiblesse. Et cette thèse a de quoi lui retirer son humour.
Tout en marchant dans le vent chaud, je continuais à réfléchir.
Bosseigne se fatigue en ce moment, ai-je conclu. Je dois lui alléger certaines choses le plus possible. Mon parent a beau être une force de la nature, il lui arrive tout de même de s'épuiser.
Oui, la patrie, le travail, ce sont de gros mots.
Ce soir pour le détendre, je lui lirai quelques poèmes.
Du poète syrien et du poète grenoblois.
Il y aura un équilibre à trouver.
Et Bosseigne s'en trouvera revigoré, oui.
D'un pays à un autre, d'une patrie à une autre.
Nous rentrons
A la maison.
C'est Hervé Bougel qui l'écrit à la fin d'un de ses poèmes.
Et ce soir nous serons, Bosseigne et moi, à la maison.
Je lui lirai Travails et il ne sera pas fâché que le poète fasse des erreurs.
Parce que tout est exact dans ce recueil, dira-t-il, après avoir entendu la lecture.
Comme chez le poète syrien Nazîh Abou Afach.
Voilà.
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