3, Destruction
S’en tenir là.
Là, c’est déjà un
mot.
Un mot simple,
monosyllabique, qui exprime le lieu.
Mais aussi
l’endroit du texte où ça s’arrête.
Où hier je me
suis arrêtée sur le granit.
Où ça
s’interrompt.
Ça, autre mot
simple, autre monosyllabe.
À quoi ça
tient ?
À peu.
Emaz a-t-il écrit
un recueil portant en couverture ce titre sec : Granit ?
Il faudrait faire
une recherche. Lichen, Cambouis. Granit ?
Quel sera à la
fin du jour le mot restant de la suite d’heures, d’impressions, de paroles
échangées ?
La pluie avance.
Mais pas encore jusqu’à la grue.
Aujourd’hui
personne ne travaille. Pause, trêve, arrêt.
Le Petit a
demandé quel âge nous aurions quand nous reviendrons à la maison.
Comme si ces
vacances corses allaient durer si longtemps que nous changerions d’âge.
Le temps est la
grande question pour les petits et les vieux. Comment on le mesure, comment on
l’apprivoise, comment on le perd et parfois le gagne.
Retarder le
moment de se remettre au travail, au vrai, pas celui-là qui ne consiste qu’à
noter ce qui se passe et n’arrive pas.
Sur la très
petite table d’écriture, en face de la grue au repos, j’attends.
Ou plutôt j’évite
de prendre la décision de travailler réellement. En lieu de quoi, j’écris ce
qui pourrait être une suite de lettres, un journal, des impressions de Corse.
Une gymnastique nécessaire et presque joyeuse, une reprise des doigts sur le
clavier, une danse légère des mots, qui ne prêterait pas à conséquence.
Aujourd’hui un
bain de mer, comme disait ma mère. Vivifiant, régénérant.
Bain de soleil
aussi.
Puis retour aux
nuages gris, lourds, vont crever peut-être au-dessus des plages.
Pour l’heure, la
fenêtre, la grue, l’absence d’horizon noyé dans la brume.
Que fait le
paysage aux hommes qui l’habitent ?
Et à leur tour
que font les hommes au paysage eux qui n’hésitent pas à déplacer des
granits millénaires ?
On arrache, on
coupe, on détruit.
Pour construire.
D’autres essaient
de contrarier la destruction.
Jeune oliveraie
plantée par notre hôte dont les oiseaux se repaissent.
Voilà que je me
mets à voir davantage la destruction à l’œuvre que la construction.
Destruction,
donc.
12 octobre
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