Carré 87
Les souvenirs
en vrac de mademoiselle marie qui était un homme et portait un pardessus elle
venait en visite chez henriette la sourde dont le fils mourut crachant son sang
dans une bassine en fer ma mère me laissait en garde chez elle des pendus
jalonnant le chemin de st jérôme aux chartreux en passant par le cours julien
avec la mort de la jeune mère buonocuore au ventre gonflé les noms étrangers du
bloc achélème où nous habitions de la grosse madame mère de la signora soprano
grand-mère des enfants avec qui je jouais des terzian qui habitaient au premier
et dont j’ai appris à cuisiner un couscous nous habitions au quatrième sans
ascenseur aujourd’hui le désert campagnard m’entoure au point que voir trop de
visages m’effraie en bas où nous jouiions c’était bruyant et animé les soirs de
beau temps on disait qu’il y avait des trafics en tous genres marseille
ressemblait à la naples du roman que je viens de terminer le quartier était à
la fois un monde et le monde on y mourait on y naissait on
se mariait il y avait aussi les zammut dont le fils était aussi beau que leurs
chats mais qui allait mourir jeune la déglingue rôdait là comme au plus bas la
débrouille aussi pourquoi mon carré se veut-il marseillais ce matin surtout parce que je m’aperçois
que je ne sais rien de cette ville que du quartier où j’ai passé toute mon
enfance de ma famille rien à raconter que des bribes élie-marius qui faillit
mourir fusillé pour avoir avalé de l’acide picrique du capitaine durbec du
vaisseau La Colombe au XVIII° siècle léon mon père aucun arbre pour y accrocher
mon ignorance lambeaux vivants peaux et papiers mêlés aux artères de la ville
aussi bleue que son ciel et la robe de marie mère disant ça en son temps et
aujourd’hui un seul carré ne suffira pas tant la matière nocturne sous les os
se dépose et demande à poursuivre son galimatias au delà de ce 87° carré
(11 mai)
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